Du Grand Palais à l’intime, la mode se raconte autrement. Colette revient comme un fantôme joyeux pour saluer Virgil Abloh, Dario Vitale réinvente Versace en puzzle poétique, Alexander McQueen ouvre ses entrailles, et Aurélie Bidermann pare le combat d’un éclat tendre. Une saison où les icônes ne brillent plus, elles vibrent.
Retour d’un esprit libre




Photos : Aurelie Bidemann/Archiv Virgil Abloh/Colette/DR
On croyait le rideau tombé pour de bon. Colette, ce lieu qui n’était ni tout à fait une boutique ni tout à fait un musée, revient hanter le Grand Palais. Du 30 septembre au 9 octobre, Sarah Andelman réactive la mémoire d’un endroit qui savait lire l’époque avant qu’elle ne s’écrive. C’est dans le cadre de l’exposition hommage à Virgil Abloh « The Codes » que Colette refait surface. Pas pour vendre, mais pour faire sentir. L’idée est simple et belle : faire dialoguer l’esprit d’un lieu avec celui d’un créateur parti trop tôt. Virgil Abloh avait compris que le magasin pouvait être un manifeste, un laboratoire, une agora. Colette l’avait prouvé avant lui. Dans cette capsule, on ne vient pas consommer, on vient se souvenir. De l’eau minérale design, des Casio vintage, des jupes Comme des garçons, tout cela racontait une époque. Aujourd’hui, cela raconte une absence. Et une présence, aussi. Celle d’un regard qui continue à nous traverser.
Versace en éclats, signé Dario Vitale
Il y a des campagnes qui vendent. Et puis il y a celles qui racontent. Dario Vitale, nouveau visage de la direction artistique chez Versace, choisit de ne pas crier. Il murmure. Sa première campagne est un poème visuel, un collage affectif, une sorte de journal intime de la maison. Des corps esquissés, des photos en clair-obscur, des archives qui respirent encore. Versace n’est plus cette diva baroque et tapageuse, elle devient spectre, souvenir, fragment. Trois mots traversent ce chapitre : force, rigueur, sexualité. Mais réinterprétés à la lumière de l’intime, loin des podiums tonitruants. Camille Vivier, Collier Schorr, Steven Meisel… les signatures convoquées ne font pas du bruit, elles font du sens. Et c’est peut-être cela, le vrai luxe aujourd’hui : ne pas imposer, mais proposer.





Photos : Aurelie Bidemann/Archiv Virgil Abloh/Colette/DR
Alexander McQueen, les archives comme terrain vivant
On entre dans les archives comme on entre dans une cathédrale. Mais chez Alexander McQueen, on y entre aussi comme dans un atelier. La mini-série Documenting McQueen ouvre les portes d’un passé qui ne dort pas. Premier épisode : Dante, automne-hiver 1996. Sous l’œil d’Alistair O’Neill, historien de la mode, les tissus deviennent des récits, les coupes des cris. Ce n’est pas une rétrospective, c’est une fouille. Une manière de dire que l’héritage n’est pas une relique, mais une matière vivante. Seán McGirr, à la tête de la maison, ne cherche pas à conserver. Il cherche à transmettre. Et dans cette transmission, il y a du trouble, du désir, du mouvement. McQueen ne repose pas en paix – il dérange encore.



Aurélie Bidermann, le rose comme résistance
Octobre rose revient. Fidèle, discret, puissant. Et Aurélie Bidermann l’accompagne avec une collection qui ne crie pas, mais qui soutient. Le bracelet Positano, large, en bakélite, doré à l’or 18 carats. Les boucles assorties. Rien d’ostentatoire. Juste des bijoux pour celles qui avancent, qui tiennent, qui traversent. Une part des ventes est reversée à l’Institut Rafaël, qui œuvre pour une approche globale du soin. Parce que le rose, ici, ne dit pas la fragilité. Il dit la force. Celle qui ne fait pas de bruit, mais qui ne lâche rien. Et si la mode, cette saison, ne cherchait plus à séduire mais à consoler, à réveiller, à relier ? Colette, Alexander McQueen, Versace, Aurélie Bidermann, chacun à sa manière, chacun dans son langage, nous rappelle que les icônes ne meurent jamais vraiment. Elles changent de forme. Elles deviennent des gestes. Des présences. Des voix.




Photos : Aurelie Bidemann/Archiv Virgil Abloh/Colette/DR